Libertés Nomades

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Création de l’ADEC35 de Rennes, avec neufs amateurs, Jérémy Colas (metteur en scène), Sandrine LMH (auteure, assistante et dramaturge) et Kamal Benadi (créateur lumière et régisseur), « Libertés Nomades » est une version adaptée de « Nomades« , texte destiné à la Compagnie Un pas puis l’autre et qui sera mis en scène par Olivier Hussenet. LibNo répgé 3fev16 -6_2

Texte humaniste, féministe, poétique, revendiquant la place de l’art, de la création et de la culture au sein d’une société en crise d’identité où l’intolérance menace l’humain et ses valeurs, »Liberté Nomades » met en scène neuf comédiens amateurs qui interprètent nomades et sédentaires faisant la découverte et l’apprentissage d’une identité de plus ne plus universelle.

Cette nouvelle création, portée par le dynamisme des amateurs de l’ADEC, offre tout le bigarré de ses personnages, de leurs couleurs, de leur bric-à-brac et de leurs falbalas, de leurs chants, de leurs danses, la magie de leurs marionnettes, la folie de leurs égarements et de leurs aveuglements, l’injustice qu’il faut savoir transformer en juste chemin ; elle dit toute la violence et l’espoir d’une humanité en quête de Liberté.

En création d’octobre 2015 à janvier 2016, les représentations uniques ont eu lieu les 4 et 5 février 2015 à l’ADEC de Rennes.

Lien ADEC de Rennes : ADEC -Maison du Théâtre Amateur

Article ADEC Rennes

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Crédit Photos : Michel Devillers

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EXTRAIT

Personnages
Séta
Chamame (Baba Yaga)
Diana (Petite-Sœur)
Mayranouche (La Mère)
Magar (Petit-Frère)
Kadeg (Sylvain le Barde)
Mihran (Nahabèd : chef de tribu)
Varoujan (Lutin Sylvestre)
Sédentaire 1 ; Sédentaire 2 ; Sédentaire 3
Gendarme 1 ; Gendarme 2

Scène 5
Mihran et Séta

Séta dort, la grande toile sur les genoux. Mihran entre. Il s’approche d’elle. S’assoit à côté d’elle.

Mihran. Tu dors la Mère. T’as bien raison. Moi aussi, je suis fatigué. Épuisé. Je voudrais dormir, j’y arrive plus. Mayranouche non plus. Elle est sur le qui-vive, tout le temps. La nuit dernière on a été délogés à coup de pierre. Ça faisait longtemps. Elle fatigue aussi. Personne n’a pratiquement dormi. Délogés à coups de pierres. Quand on croit que c’est derrière nous, ça revient comme un boumerang. Comme un cauchemar qui redémarre. Qui nous revient du fond des âges. Comme si la terre s’amusait avec les racines du lierre. Ça resurgit comme un surgeon. Et on se prend les pieds dedans. C’est quoi qui va pas ? Pourquoi ça marche pas ?

Séta s’est réveillée.

Mihran. (Qui n’a pas remarqué que Séta a ouvert les yeux et l’écoute) On avance et j’ai l’impression que d’année en année le chemin rétrécit. Ça passe presque plus. Qu’est-ce qui se passe ? C’est nous ou c’est les autres ? On dirait que la terre n’est plus ronde.

Séta. Tu tournes en rond mon ami.

Mihran. Je ne sais plus très bien où je vais, Séta.

Séta. Repose-toi Mirhan. Laisse les hommes monter la scène. Laisse-les se débrouiller sans toi. C’est à l’abri des grands arbres. Sous les arbres, tout s’arrange. Personne ne reste insensible à la sagesse des grands arbres. Même les gens d’ici. Après une bonne répétition, vous serez prêts pour le spectacle de demain. Les gens ont besoin de poésie et de rêve. Il faut juste leur donner l’envie d’ouvrir les yeux. Et quand ils ont ouvert les yeux, ça leur descend dans le cœur, jusque dans les mains. J’ai vu ça parfois. Ça leur faisait comme de la lumière dedans. Après ça, ils éclairaient la nuit, comme des lampes-torches. Comme Kadeg.

Mihran. Kadeg, c’est pas pareil. Il avait la lumière dans le sang bien avant. Bien avant de nous rencontrer. Il nous attendait. C’est tout.

Séta. Il y a toujours quelqu’un qui nous attend quelque part sur la route, Mihran. N’arrête pas la caravane. La terre sera toujours ronde.

Mihran. Avec des creux et des bosses. Des fossés de plus en plus profonds et des falaises de plus en plus hautes. Abruptes. Avec des frontières et de plus en plus de brutes.

Séta. C’est la peur.

Mihran. Mais la peur de quoi, bon sang ?

Séta. Celle de ne plus pouvoir se reconnaitre. Le temps s’accélère. Le monde est un dragon qui frotte ses écailles. Sa peau le démange. Il mue. Et tous les bonhommes accrochés dessus dégringolent, tous sens dessus dessous. Ça leur met une terreur bleue. Alors les gens s’accrochent à leur miroir croyant maîtriser quelque chose. Pour les sédentaires comme pour les nomades. Regarde Magar. Pour lui c’est pareil. Celui qui n’est plus très sûr de ce qu’il est, finit par perdre tous ses repères. Il se recroqueville dans sa coquille. Après c’est rapide. Très vite, il ramasse des pierres et il lapide.

Mihran. J’ai fait un petit à ma femme, dans ce monde-là.

Séta. Celui-là ou un autre. Depuis toujours les ventres des femmes crachent leurs petits dans le vide.

Mihran. C’est à moi de faire en sorte que ça ne soit pas le vide pour elle et pour lui.

Séta. Présomptueux !

Mihran. Hier, quand il a fallu déguerpir au plus vite, j’ai eu si peur qu’elle perde l’enfant. Elle me regardait avec ses yeux immenses, terrifiée. Elle n’était plus une mère, ce nid fermé qui protège la vie. Elle était un trou béant de terreur, ouvert, citadelle à découvert, traversée par les grands vents, couloir de la peur en elle que plus rien ne voulait refermer. Si encore il suffisait de s’arrêter. De poser les bagages. De dire : Salut les sédentaires, finalement on va rester là. Fini la caravane, on veut une maison. Je sais que même ça, ne serait pas possible. Mon cousin a essayé. Personne ne lui a pardonné. Le cul entre deux chaises. Pas d’ici, plus d’ailleurs. Le nombre de fois où ses gosses se sont pris des gnons dans les cours d’école et le fond de ruelles. Jamais le droit à l’erreur. Les maîtres, les voisins, les gendarmes. Terreur constante. Le dos tendu tout le temps. Des crampes plein le corps. J’ai bien l’impression qu’on ne pourra jamais décrocher de la carriole, qu’il faudra la faire rouler jusqu’au bout.

Séta. Quel bout ?

Séta se rendort, petit à petit.

Mihran. Les murs de leur frontière. Soit on s’y fracasse, soit on repart d’où on est venu et on revient butter dessus. Comme les marionnettes de Varoujan. Acharnées et absurdes. La vérité Séta c’est que c’est moi qui ai la trouille. Une peur bleue. Une peur qui me dévore les tripes. Ça m’occupe le ventre comme le bébé occupe celui de ma femme. Et je ne sais même pas de quoi.

Il constate que Séta s’est rendormie. Il la couvre mieux avec la toile.

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