Le Stagiaire : création lycéens 2011.

THÉÂTRE : Texte créé par improvisations en classe et écrit par les élèves de Terminal Bac Pro SEN du lycée Ampère, sous la direction de Sandrine LMH. Pièce mise en scène et en jeu par les Compères (atelier théâtre du lycée Ampère) sous la direction de Sandrine LMH et la codirection de Liliane Dauteuil et Magomed Chovkalov. Mise en lumière : Sullivan Valiante et Nolwenn Poulain.

Création avril 2011, dansP1010134_2 le cadre du Printemps des Entreprises du Pays de Ploërmel.

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Un jeune homme, naïf et candide, élève de bac Pro, obtient un stage dans une entreprise d’électricité générale. Très vite confronté à ses propres faiblesses techniques, aux rapports difficiles, parfois pervertis entre les adultes et surtout aux enjeux de pouvoir à l’intérieur de l’entreprise, il va être confronté à des situations de plus en plus rocambolesques et inextricables…Validera-t-il son stage ?

(à suivre : le texte intégral)

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Crédit photos : Printemps des Entreprises (Pays de Ploërmel)

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Texte intégral

LE STAGIAIRE
Théâtre

Texte écrit par les TERM BAC SEN2 du Lycée Ampère (Josselin)
Interprété par La Compagnie des Compères
Direction d’écriture et mise en scène : Sandrine Le Mével Hussenet
Co-mise en scène et direction d’acteur : Magomed Chovkhalov
Collaboration projet : Liliane Dauteuil et David Teyssandier
Création lumière et scénographie : Sullivan Valiente, Nolwenn Poulain
Technique plateau : Cédric Evanno

PERSONNAGES Interprétés par

La direction :
Le Patron : Emmanuel (dit Manu)
Le Chef de service, Patrick : Adrien (dit l’Ancien)
La Secrétaire, Martine : Benoît / Jay
Les ouvriers :
L’Alcoolique, Jean-Yves, dit Jean-Ivre : Kévin
Le Philosophe, dit Socrate : Corentin
Le Syndicaliste, Marc : Kilian
L’Énervé, Sam, dit Saménerve : Dimitri
Le Calme, Mohamed, dit Momo : Mohamed
La Guerrière, Jeanne, dite Jeanne d’Arc : Katel
Le Nouveau, dit Le Bleu : Jérémy
Le Taiseux : Valentin
Les stagiaires :
Le Stagiaire, Hendricksaken Toumbesosky, dit Maurice : Steven (dit Sthew)
L’Autre Stagiaire, Gwen : Benoît / Christopher
Le Client :
Le Maire, André Boal : Hans
L’Épouse, Mme Boal : Rébécca
La Bonne, Mimi : Marina
La Fille : Charlène
Le Fils : Adrien (dit le Jeune)

La scène se passe dans l’entreprise ELECTRO-GEN, électricité générale (matériel électrique et électronique, installation, entretien et réparation) et chez M. Boal, maire de la commune.

Scène 1.
(par Valentin, Yann et Hans)
L’ENTRETIEN
Le Patron, le Chef de Service et le Stagiaire

Bureau de direction.
Le Patron est derrière son bureau, le Chef de Service est assis sur une chaise, légèrement à la droite du bureau.
On frappe.

Le Patron. Oui !

Le Stagiaire entre. Son téléphone portable sonne au même moment.

Le Chef de service. Bonjour monsieur.

Le Stagiaire. Je peux ? Pardon.
(Il reprend son souffle et répond à son portable). Ouais Mère Grand ! Comment vas-tu bien ? Oui, moi aussi. Ok, bien ta première journée ? Tu dragues pas trop, j’espère ? Non, lol. Je passerai te voir plus tard, parce que là je peux pas. Je suis en entretien. Pour mon stage. Oui, mon stage, tu te rappelles ? L’entreprise Électro-gen. Oui. De l’Électricité. Installation, réparation. Mais non Mamie, c’est pas dangereux. Ils font aussi de l’électronique numérique. Des alarmes. Si, des machines à laver, aussi. Je te raconterai. Non, je peux pas trop te parler là. Je te rappelle après. Promis. Allez biz, Mamie. Je t’adore. A+. (Il raccroche)
(Au Patron et au Chef de Service) Désolé c’était ma mamie, vous savez, c’est sa première journée à l’EHPAD. La maison de retraite. Avant c’est surtout moi qui m’en occupais. Elle stresse un peu. Je suis son p’tit fils préféré, même si je suis le seul. En fait…

Le Chef de service. (Très agacé) Vous êtes venu pour nous parler de votre grand-mère ?

Le Stagiaire. Non. Pardon. Bonjour. Je viens pour un stage.

Le Stagiaire donne les conventions de stage au Patron.

Le Patron. Les conventions. Bien. (En tendant à nouveau la main) Vous avez pensé à apporter un CV ?

Le Stagiaire. Ah merde !!! Il est chez moi.

Le Chef de service. Bon, bah ! Au revoir.

Le Stagiaire. Ah ! Mais non ! Je suis venu à vélo, vous pouvez pas me faire ça ! S’il vous plait, je vais pas rentrer chez moi, je suis à une demi-heure de route d’ici !

Le Chef de Service et le patron se concertent, chuchotent penchés l’un vers l’autre.

Le Stagiaire. Je suis super motivé et sans ce stage je n’aurai pas mon Bac, vous êtes ma dernière chance. Je ferai n’importe quoi pour avoir ce stage.

Le Chef de Service et le Patron se concertent de nouveau. Le Patron se rassoit confortablement.

Le Patron. Je voudrais bien vous croire, mais je voudrais des preuves.

Le Stagiaire. Je les ferai mes preuves, si vous me prenez.

Le Chef de Service. Facile à dire.

Le Patron. Qui me dit que ce ne sont pas des sornettes.

Le Stagiaire. Vous avez ma parole. Je suis sérieux et motivé. Mes profs ont confiance en moi. C’est pas des sornettes. Je…

Le Patron. Sortez.

Le Stagiaire. Mais…

Le Patron. Dans le couloir. Attendez dans le couloir. Je dois parler avec mon Chef de Service. Allez, sortez deux minutes.

Le Stagiaire. Ok.

Le Stagiaire sort.

Le Chef de Service. Patron ! Ce gamin ne vaut rien. Il dit des grossièretés. Oublie de dire bonjour. Répond au téléphone en entretien. N’a pas de CV. Il nous mène en bateau. Sa grand-mère là…

Le Patron. Il me plait.

Le Chef de Service. C’est un rigolo.

Le Patron. Non. J’ai confiance en lui.

Le Chef de Service. Pourquoi ?

Le Patron. La grand-mère.

Le Chef de Service. Quoi la grand-mère ?

Le Patron. Et le vélo.

Le Chef de Service. Le vélo ?

Le Patron. J’ai confiance en lui parce que ce petit gars s’occupe de sa grand-mère. Donc il sait prendre des responsabilités. Il est venu à vélo. C’est un dégourdi. Il persévère. Il est motivé. Je le prends. Faites-le revenir.

Le Chef de Service. C’est vous le chef, Patron. Je discute pas.

Le Chef de Service va rechercher Le Stagiaire. Ils reviennent.

Le Patron. Vous commencez aujourd’hui.

Le Stagiaire. Super ! Merci Monsieur.

Le Chef de Service. Tu t’appelles comment ?

Le Stagiaire. Hendricksaken Toumbesosky.

Le Chef de Service. Hendriquoi ?

Le Stagiaire. Saken. Hendricksaken Toumbesosky.

Le Chef de Service. Bon. Hendrickmachin Tombé-on-ne-sait-où… Ici, on t’appellera Maurice. Maurice, d’accord ?

Le Stagiaire. Oui.

Le Chef de Service. Jean-Yves sera ton tuteur. Jean-Yves, tu te souviendras ? Tu passes voir la secrétaire avant. Elle t’expliquera tout. Après la pause, tu viendras me voir avec Jean-Yves, je vous donnerai l’ordre du jour. Ne me déçois pas, Maurice. Je t’ai à l’œil.

Le Stagiaire. Pas de problème, Monsieur. Merci. Au revoir. (Au Patron) Au revoir Monsieur.

Juste avant de sortir, le Stagiaire prend son téléphone et appelle.

Le Stagiaire. Allô Mamie !

Noir

Scène 2.
(par Kilian, Kévin et Corentin)
LA PAUSE
L’Alcoolique, le Philosophe, le Syndicaliste, l’Énervé, le Taiseux, le Calme,
la Guerrière, le Nouveau, le Stagiaire et l’Autre Stagiaire.

Cafétéria.
L’Alcoolique, le Philosophe, le Syndicaliste, l’Énervé, le Taiseux et le Nouveau sont déjà là, un verre à la main.
Le Stagiaire entre dans la pièce.
Silence. Tout le monde le regarde.

Le Stagiaire. Euh… Bonjour.

Silence toujours. Le Stagiaire reste debout.

L’Alcoolique. Ben, assieds-toi. Tu vas pas rester planté là comme un piquet. C’est toi mon nouveau stagiaire ? Moi, c’est Jean-Yves.

Le Nouveau. Dit Jean-Ivre.

L’Alcoolique. Toi, le Bleu, on t’a pas sonné.

Le Philosophe. De moins en moins bleu, le Bleu. Les couleurs passent avec le temps. C’est le deuxième stagiaire de la semaine. Notre Bleu prend du galon.

Le Nouveau. Oubliez-moi.

L’Alcoolique. Viens t’asseoir à côté de moi, moussaillon. Tiens, prends un p’tit canon. Tu t’appelles ?

Le Stagiaire. Henricksa… Maurice. Je m’appelle Maurice.

L’Alcoolique lui tend un verre. Le Stagiaire reste debout.

L’Alcoolique. Allez, bois un p’tit coup de rouge, Maurice !

Le Stagiaire. Euh… non merci. C’est le matin et…

Tout le monde. Bois !

Le Stagiaire boit.

Le Philosophe. Je t’en prie, assieds-toi.

Le Stagiaire s’assoit à côté du Nouveau.

Le Nouveau. T’inquiète. Ça fait toujours un peu drôle la première fois. Moi, ça va faire trois mois que j’ai été embauché, et c’est pas tous les jours facile. Mais je m’y suis fait. Maintenant, avec ton collègue-là (il désigne l’Autre Stagiaire) et puis toi qui débarques, ça va me faire des vacances.

L’Autre Stagiaire. Salut. Moi c’est Gwen. Je suis stagiaire.

Le Stagiaire. Salut.

Le Syndicaliste. Moi syndicaliste. Je m’appelle Marc. Je suis le représentant syndical de cette entreprise. Alors, t’as vu le patron. Vous avez parlé de quoi ?

Le Stagiaire. Euh… de mon stage tout ça.

L’Énervé. Tout ça quoi ? On s’en fout de ta vie ! Nous, on te demande ce que le patron t’a dit à propos de nous.

Le Stagiaire. Ben ! … Euh… rien.

Le Philosophe. Le savoir n’est bon que s’il est partagé.

Le Syndicaliste. (En montrant Le Philosophe) Lui c’est Socrate. Le Philosophe de service. Il cause toujours pour rien dire. (En montrant Le Taiseux) Lui, par contre, c’est le Taiseux. Si tu l’entends parler un jour, c’est qu’il va y avoir une catastrophe…

Le Nouveau. Une catastrophe.

Le Philosophe. Son silence est d’or. S’il parle c’est la mort.

L’Énervé. (Au Stagiaire) Ouais ouais, alors !?

L’Alcoolique. Ehhhhh ! Laisse un peu le jeune tranquille.

La Guerrière et Le Calme entrent.

L’Énervé. Ah ! Voilà nos minorités visibles !

La Guerrière. Il n’y a que toi que ça fait rire, Sam.

Le Nouveau. Dit Saménerve.

L’Énervé. Ouais ! Bon ! Ben toi, fais gaffe.

La Guerrière. Le petit coq dans toute sa splendeur…

L’Énervé. Toi, la poule, on t’a pas demandé de l’ouvrir. Et puis d’abord, qu’est-ce que tu fais là ? Une bonne femme c’est pas fait pour être dans les ateliers. Comment qu’t’as fait pour avoir ton diplôme ? T’es passée sous le bureau ?

La Guerrière. Y a plus de place sous le bureau. Y a déjà Martine.

L’Énervé. Ça n’empêche. Quand je te vois avec ta boîte à outils, ça me sape le moral ! Un balai, le chiffon, les couches et une jupe raz la moule, voilà c’qui s’rait normal !

Le Syndicaliste. Tu ferais mieux de te tenir tranquille Sam, dans pas longtemps notre Jeanne pourrait bien passer chef d’équipe.

Le Nouveau. Jeanne. Dite Jeanne d’Arc, comme son nom l’indique.

Le Calme. (Tendant la main au Stagiaire) Bonjour, moi c’est Momo.

Le Stagiaire. Mau… Mau… Maurice.

Le Calme. (Riant) Pareil. Non, en fait je m’appelle Mohamed.

Le Stagiaire. Et moi Hendricksaken. Mais…

Le Calme. (Serrant la main du Stagiaire) Bienvenu chez nous, Hendricksaken.

Le Stagiaire. Merci.

Le Syndicaliste. Jeanne ferait une excellente Chef de Service.

Le Philosophe. La femme est l’avenir de l’homme. C’est le poète qui l’a dit.

L’Énervé. Ça me ferait bien mal. Être commandé par une femelle.

Le Calme. Et par un noir ?

La Guerrière. Et par une femme noire, Saménerve, ça te ferait mal où ?

L’Énervé. Putain. Mais je vais péter un plomb, là !

Le Calme. Faut pas s’énerver comme ça, Samy. Faut rester zen. Des fois que ça te ferait changer de couleur.

La Guerrière. Ou de sexe !

Tous rient.
L’Énervé s’arrache les cheveux.

Le Syndicaliste. (Au Stagiaire) Bon, écoute. Nous, on veut juste que tout ce que le patron te dit sur nous, sur l’entreprise, son avenir, notre avenir quoi, tu nous le dises. D’accord ?

Le Stagiaire. Euh…

Le Syndicaliste. Ne t’en fait pas, on gardera ça entre nous. Pas besoin qu’il soit au courant, n’est-ce pas ?

Le Stagiaire fait un hochement de tête.

L’Alcoolique. Bon parfait, on s’enfile un dernier p’tit verre et on y va, le jeune.

L’Alcoolique et Le Stagiaire se servent un dernier verre.
Noir.

Scène 3.
(par Dimitri et Fabien)
L’ORDRE DU JOUR
Le Chef de Service, la Secrétaire, l’Alcoolique et le Stagiaire

Bureau du Chef de Service. Le Chef de Service et la Secrétaire sont dans le bureau. On frappe.

Le Chef de Service. Entrez.

L’Alcoolique et le Stagiaire entrent.

L’Alcoolique. Bonjour

Le Stagiaire. (Timide) Bonjour.

La Secrétaire lui fait un petit signe complice et équivoque.

Le Chef de Service. Bon, je vous ai convoqué pour qu’on fixe l’ordre du jour. C’est la première journée de ton stagiaire et…

L’Alcoolique. Ouais. Et elle a bien commencé. Hein, Maurice !?

Le Chef de Service. Ok. Bon, vous avez vu le planning ?

L’Alcoolique. Bah !… On va y aller voir.

Le Chef de Service. Ah ! Parce que tu n’as pas encore regardé ce que tu avais à faire ? T’es vraiment un glandeur toi !

L’Alcoolique. Hé ! Pas de déduction hâtive, Chef !

Le Chef de Service. Martine, un café, s’te plait.

La Secrétaire. (Sensuelle) Avec plaisir, Patrickounet. (Elle va à la machine à café.)

Le Chef de Service. Merci Martine. Et vous, les gars, vous en voulez un ?

Le Stagiaire. Moi je veux bien. Pour faire passer le goût du…

L’Alcoolique. Pour moi, un p’tit double scotch, si vous avez ?

Le Chef de Service. C’est de l’eau ou du café !

L’Alcoolique. Café alors !

Le Chef de Service. Rien pour toi.

La Secrétaire apporte les cafés. Elle minaude en tendant la tasse au Stagiaire.
Pendant la conversation, le Stagiaire et la Secrétaire s’échangeront des regards appuyés.

L’Alcoolique. (Tout bas) P’tit con.

Le Chef de Service. (A l’Alcoolique) Pardon ? T’as dit quelque chose ? (Il caresse les fesses de la Secrétaire)

L’Alcoolique. Euh…Moi non ! (Tout bas, en souriant bêtement) Connard !

Le Chef de Service. (Sur un ton ferme) Bon, (il tape sur les fesses de la Secrétaire qui va se rasseoir) si vous n’avez rien à faire, vous allez me trier les têtes de détection qui sont dans la réserve du magasin et tout de suite !

L’Alcoolique. Oh…non, c’est long et casse-couilles à faire ce truc !

Le Chef de Service. Et alors ? Toi, t’es casse-couilles et pourtant on te garde.

L’Alcoolique. (Ironique et hypocrite) C’est gentil, ça, Chef…

Le Chef de Service. Bon ta gueule ! Vas bosser. Je dois parler au jeune. Il te rejoint dans trois minutes.

L’Alcoolique. Ok bah, j’y vais alors… (Tout bas) Espèce de salopard ! (Il sort en claquant la porte.)

Le Chef de Service. (Au Stagiaire) Bon, maintenant, je veux que tu me rapportes tout ce que cet ivrogne fait et tout ce qu’il ne fait pas.

Le Stagiaire. Euh, comment ça ?

Le Chef de Service. C’est simple : tu me racontes tous ses faits et gestes. Je l’ai dans le collimateur, celui-là. Pourquoi, tu crois que je t’ai mis dans ses pattes ? Si j’avais voulu que ton stage te serve à quelque chose, c’est Jeanne que t’aurais eu comme tuteur. Je veux un rapport sur lui. Tu ne le quittes pas d’une semelle et tu me dis tout. C’est clair ?

Le Stagiaire. Mais je ne suis pas une balance, moi !

Le Chef de Service. Tu veux une bonne note à ton éval ou pas ?

Le Stagiaire. (Gêné) Bah, oui !

Le Chef de Service. Donc, t’y vas et tu reviens me voir en fin de journée.

Le Stagiaire. (Gêné) D’accord monsieur. Au revoir.

La Secrétaire. Bonne journée.

Elle lui fait un petit geste prometteur… Le Stagiaire lui répond. Il sort.

Le Chef de Service. Martine !

La Secrétaire. Oui, Patrick !

Le Chef de Service. Bureau !

Il lui désigne le dessous du bureau. Noir.

Scène 4.
(par Maxime et Aurélien)
L’AUTONOMIE
L’Alcoolique, le Stagiaire et l’Autre Stagiaire

La réserve du magasin.
L’Alcoolique prend un carton.

Le Stagiaire. La secrétaire-là ?

L’Alcoolique. La Martine. Elle a pas froid aux yeux, la garce. C’est pas Jeanne d’Arc, celle-là.

Le Stagiaire. Tu crois qu’i aurait moyen… ?

L’Alcoolique. Avec ta p’tite gueule, t’as toutes tes chances, mon gars ! Pour moi, c’est mort. (Il place le carton sur une table) Tiens ! Voilà les têtes de détection. Tu me tries ça, tu recycles, pendant que je vais me mouiller le gosier. Avec l’autre connard de chef-là, je suis à sec, moi. (Il s’en va)

Le Stagiaire. Mais, je sais pas faire !

L’Alcoolique. Mais si. T’es en Bac toi. Moi j’ai même pas un CAP. Dans le temps, c’était pas comme maintenant. C’était à la gueule du client. Et je te prie de croire, qu’avant, la Martine, elle aurait pas craché dessus. Si tu vois ce que je veux dire… Allez chao, bye bye.

Le Stagiaire. Mais… ?

L’Alcoolique. Si on me demande, tu diras que je suis au bar d’à côté. Une urgence. Le percolateur qu’a sauté et tout le système électrique à refaire… Salut ! (Il sort)

Le Stagiaire sort les têtes de détection du carton et commence à les répartir sur la table. Il panique.

Le Stagiaire. Putain ! C’est quoi ces trucs ? Comment on trie ces machins ? Qu’est-ce qu’il a dit le prof déjà ? C’est pas vrai, j’ai dû louper un cours. J’y comprends rien. Comment je vais faire moi ? Bon celui-là c’est quoi ? Pourquoi y a ce signe-là ? C’est danger de mort ou quoi ? Ça va me péter dans les doigts ! Détecter, détecter… Détecter quoi ? Et le Chef de Service qui m’a à l’œil… Qu’est-ce que tu veux que je lui raconte à celui-là ? Et mon rapport de stage ? Comment rendre un stagiaire alcoolique en dix leçons… c’est ça ? Et l’autre chevelu qui veut un rapport aussi. J’ m’en sortirai jamais…

L’Autre Stagiaire passe, une PSP dans les mains, des écouteurs dans les oreilles. Il joue en marchant…

Le Stagiaire. Hé ! Gwen ! (Plus fort) Gwen !

L’Autre Stagiaire s’arrête et retire ses écouteurs.

L’Autre Stagiaire. Ouais, quoi ?
Le Stagiaire. J’ai besoin d’aide, là !

L’Autre Stagiaire. C’est quoi ton problème ?

Le Stagiaire. Je sais pas trier ces machins. Je suis tout seul. C’est un peu la panique.

L’Autre Stagiaire regarde les détecteurs sans lâcher sa PSP.

L’Autre Stagiaire. Ben, c’est facile. T’as les détecteurs photoélectriques type reflex : ceux-là, ils sont cubiques, tu peux pas te tromper ; les détecteurs avec tête déportée ; les types barrage, cylindrique : ces têtes-là ont pas de stries comme les déportées ; les types barrage cylindrique avec amplificateur intégré ; et puis t’as les têtes avec la cellule nucléaire, celles-là tu fais gaffe. Allez, je me casse. Fais pas de conneries.

L’Autre Stagiaire s’en va.

Le Stagiaire. Non ! Attends ! Tu peux me réexpliquer ? C’est une tête nucléaire ça ? Et…

L’Autre Stagiaire. Je suis occupé là. Démerde-toi. Salut.

L’Autre Stagiaire sort.

Le Stagiaire. C’est un cauchemar. Je vais me réveiller. Bon. Ces têtes-là. Là. Celles-ci. Ici. Celle-là ? Elle est cylindrique ou déportée ? Ou cylindrique déportée ? Elle est pas striée. Mais c’est pas un ampli. Non, ça va avec celle-ci ? Mais, la tête nucléaire-là, j’en fais quoi ? Putain !

L’Alcoolique revient.

L’Alcoolique. Alors, gamin. T’as fini ?

Le Stagiaire. Pas vraiment.

L’Alcoolique. T’as deux mains gauches, toi.

Le Stagiaire. C’est la tête-là. C’est nucléaire, et…

L’Alcoolique balaie la table de la main et projette la tête au loin. Le Stagiaire pousse un cri et sursaute.

L’Alcoolique. C’est toi le nucléaire. Allez ! Fourre-moi ça dans le carton. (Il remet toutes les têtes dans le carton qu’il place sous la table). On va le planquer là-dessous. Y a l’Chef qui veut nous causer, parait-il ? Allez, viens.

Il sort, suivi du Stagiaire terriblement inquiet et perturbé.
Noir.

Scène 5.
(par Flavien)
LE RAPPORT
Le Chef de Service, la Secrétaire, l’Alcoolique et le Stagiaire

Bureau du Chef de Service.
Le Chef de Service est à son bureau. La Secrétaire se recoiffe. L’Alcoolique est affalé sur la chaise en face de lui. Le Stagiaire, debout, garde la tête baissée.

Le Chef de Service. Alors ?

L’Alcoolique. Il bosse bien, le p’tit. J’suis content.

Le Chef de Service. C’est trié ?

L’Alcoolique. Impec.

Le Chef de Service. Bon. Tu peux aller manger, Jean-Yves. J’ai encore deux trois questions à poser à Maurice.

L’Alcoolique. J’ai pas faim. J’ai soif.

Il sort.

Le Chef de Service. Bon. Parlons peu, mais parlons bien. Qu’est-ce qu’il a foutu ce matin ?

Le Stagiaire. (Gêné) Euh… !

Le Chef de Service. Il est allé au bar d’à côté, c’est ça ?

Le Stagiaire. (Gêné) Ben… C’est le percolateur qui…

Le Chef de Service. Me prends pas pour un imbécile. Il t’a expliqué comment trier ?

Le Stagiaire. (Gêné) En fait…

Le Chef de Service. Il t’a laissé tout seul.

Le Stagiaire. (Gêné) Pas tout seul. En autonomie.

Le Chef de Service. Bon t’arrête de me raconter des cracks. Tu m’énerves, là ! Martine !

La Secrétaire. Oui Patrick.

Le Chef de Service. Massages !

La Secrétaire. Tout de suite, Patrickounet.

Elle se lève et commence à masser les épaules du Chef tout en décochant au Stagiaire des regards langoureux

Le Chef de Service. Bon, si on résume. Il est allé boire. Il est sorti de la boîte, sans ordre de mission. Il t’a laissé en plan, sans rien t’expliquer. Elles sont triées, ces têtes, au moins ?

Le Stagiaire. (Gêné) Ben. Pas vraiment…

Le Chef de Service. Ok ! C’est bon. Il est viré.

Le Stagiaire. (Angoissé) Non. Monsieur. Je peux tout expliquer.

Le Chef de Service. T’as plus rien à dire. Tu veux ton bac, oui ou non ?

Le Stagiaire. Si !

Le Chef de Service. Alors, tu te tiens à carreaux ! Tu vas m’écrire tout ça noir sur blanc. Et demain, Jean-Ivre aura son préavis.

Le Stagiaire. Mais…

Le Chef de Service. Tu fais ce que je te dis. Bon, en attendant, tu changes de tuteur. Cet après-midi tu pars en livraison avec Socrate et son stagiaire. Il y a une machine à livrer chez M. le Maire. Allez fiche-moi le camp.

La Secrétaire. Au revoir, Maurice. Bon appétit.

Le Stagiaire. (Avec un maigre sourire) Bon appétit, Martine.

Il sort, accablé.
Noir.

Scène 6
(par Adrien, Benoît et Mohamed)
LA LIVRAISON
Le Philosophe, le Stagiaire, l’Autre Stagiaire,
la Bonne, l’Épouse du Maire, le Maire, sa Fille et son Fils,
le Patron

Chez M. Le Maire.
La Bonne fait entrer le Stagiaire, l’Autre Stagiaire et le Philosophe.
L’Autre Stagiaire pousse la machine.

Le Stagiaire. Bonjour mademoiselle. C’est l’entreprise Electro-gen. Pour la machine à laver le linge.

La Bonne. Ben, c’est pas trop tôt. Parce que c’est pas parce qu’on est employée de maison, qu’on doit être de corvée de lessive à la main.

L’Autre Stagiaire. On met ça où ?

Le Philosophe. Peu importe où le vent t’emporte du moment que la machine passe par la porte.

La Bonne. Dans la buanderie. Mais attendez. Je vais prévenir Madame. (Elle sort).

Le Philosophe. Bon, c’est pas le tout, mes petits gars, mais j’ai un bouquin qui m’attend dans le camion.

Le Stagiaire. Un livre ? Dans le camion ? Mais on doit livrer et installer la machine, maintenant.

Le Philosophe. Un grand homme, un jour, a dit : si tu es fainéant laisse les autres bosser.

Le Stagiaire. Mais…

Le Philosophe sort.

L’Autre Stagiaire. Laisse ! Maintenant qu’on est chez le pigeon … euh le client, on peut bien se débrouiller tout seuls, non ?

L’Épouse entre, suivie de la Bonne.

L’Épouse. Bonjour Messieurs. Mimi me dit que vous êtes de l’entreprise Electro-gen ?

Le Stagiaire. Bonjour Madame. On vous apporte votre nouvelle machine à laver.

L’Épouse. Une nouvelle machine ? Mais la nôtre était en réparation.

L’Autre Stagiaire. T’inquiète, t’inquiète, c’est que ta machine, elle est comme neuve.

La Bonne pousse un petit cri offusqué.

L’Épouse. Pardon !

Le Stagiaire. Mille excuses, Madame. Gwen voulait juste dire, que la machine a tellement bien été réparée, qu’elle est comme neuve.

L’Épouse. (Pincée) Je préfère.

Le Stagiaire. Où désirez-vous qu’on mette votre machine ?

L’Épouse. (Hautaine) Dans la buanderie, bien sûr. Mimi vous indiquera le chemin.

Elle commence à partir. M. Le Maire entre.

Le Stagiaire. Bonjour Monsieur.

L’Autre Stagiaire. (Le poussant du coude) C’est le Maire.

Le Stagiaire. Bonjour Monsieur Le Maire.

M. Le Maire. Que se passe-t-il, Chérie ?

L’Épouse. C’est la machine. On vient de nous la rapporter.

M. Le Maire. Et bien ! Il était temps. Montrez-moi un peu ça.

Le Stagiaire commence à montrer la machine. L’Autre Stagiaire le pousse et prend sa place.

L’Autre Stagiaire. Alors Monsieur, voilà le dernier cri en matière de machine à laver high-tech, avec ses 3600 LED, elle est capable d’afficher chaque seconde du lavage. La vitesse d’essorage équivaut à la vitesse de rotation d’une hélice d’hélicoptère. Elle était prévue à la base pour l’armée. Avec toutes ses options, elle pourrait vous faire un café avant même que vous en ayez l’envie. D’ailleurs, vous devriez mettre une tasse sur le côté au cas où …

La Bonne. Mais Madame, y a jamais eu tout ça sur ma machine. Ça me fait peur ! Je vais jamais y arriver, moi !

L’Épouse. Calmez-vous, Mimi. Il doit y avoir une erreur…

M. Le Maire. Que me chantez-vous là, jeune homme ?

L’Autre Stagiaire. Nous sommes dans l’aire du high-tech, si vous n’avez pas de rasoir électrique sur votre téléphone portable, vous êtes « has been ».

L’Épouse. André ! Fais quelque chose !

L’Autre Stagiaire. Parlons plus sérieusement. Parlons argent.

M. Le Maire. Oui, justement, je vais quérir le devis.

Il sort chercher le devis.
La Fille et le Fils entrent.

La Fille. C’est quoi, ce beens, maman ?

L’Épouse. La machine !

La Fille. Ah ! Enfin ! Mes chemisiers commençaient à être tout gris.

Le Fils. Et mes pulls tout rêches !

La Bonne. Ben, si vous croyez que c’est facile !

La Fille. T’es là pour ça. Non ?

M. Le Maire revient avec le devis. Il le consulte.

M. Le Maire. Je ne vois pas toutes ces options. Juste une fuite.

Le Stagiaire. On m’a dit que la fuite avait touché la carte électronique qui n’est plus fabriquée.

L’Autre Stagiaire. Comme je vous le disais, c’est l’évolution technologique…

M. Le Maire. Bon, c’est entendu. Je dois donc vous régler maintenant les 200 € du devis. (Il tend le devis à l’Autre Stagiaire).

L’Autre Stagiaire. Ah ! Non ! Ça c’est le pré-devis : la somme à régler à l’entreprise. Vous enverrez un chèque plus tard. Voilà notre devis à régler en cash maintenant. (Il lui tend un second devis)

Le Fils. En cash !? Et moi qui dois me battre pour un peu d’argent de poche…

La Fille. Et maman qui râlait tout à l’heure pour le petit haut que j’ai acheté hier…

Le Fils. Mon MP4 est périmé ! Et j’ai même pas de MP5 ! (Il sort son MP4 de sa poche et le met sur la machine). Tiens, Papa ! Tu peux faire joujou avec ta nouvelle machine. Moi, je veux plus de cette antiquité ! (Il sort)

La Fille. Et moi ?! Mon bracelet est vraiment trop ringard ! Il n’y a pas de raison que Mimi ait une machine high-tech et que moi je me promène avec des vieilleries… (Elle met tous ses bijoux sur la machine et sort).

L’Épouse. Les enfants !

Elle sort à son tour.

La Bonne. Attendez-moi, Madame !

Elle sort aussi.

M. Le Maire. Bon écoutez, je dois passer un coup de fil à votre patron, pour régler cette histoire.

Il sort.

Le Stagiaire. Ton truc, ça sent l’embrouille. Et le client ne voudra jamais payer la machine.

L’Autre Stagiaire. Ah ouais, t’es pas con toi !

Il récupère un vase et d’autres bibelots, qu’il entasse avec le MP4 et les bijoux, sur la machine.

Le Stagiaire. Mais tu fais quoi là ?

L’Autre Stagiaire. Bah quoi, je fais comme tu dis, je récupère la tune. Tu crois que tu seras payé, toi ?

Le Stagiaire. Ben non, je suis juste stagiaire.

L’Autre Stagiaire. Tu veux que je te dise ? T’es un looser, « Juste Stagiaire ». T’as vu le fric qu’il y a ici. Les bijoux de la meuf qu’a jamais rien glandé de sa vie, c’est trois fois la paie du mois de Jeanne d’Arc.

Le Stagiaire. Jeanne d’Arc ?

L’Autre Stagiaire. Jeanne. L’ouvrière de chez Electro-gen, qui va passer chef d’équipe. Et bien, avec sa paie, la Jeanne, il faut qu’elle paie son loyer, qu’elle nourrisse sa gosse, lui paie des fringues et rembourse le prêt de sa bagnole. Tu crois qu’elle le sait ça, la fille de bourge, là ? Et cette pétasse qui pleure parce que son bracelet fait ringard. Putain, mais ouvre les yeux ! Et toi comme moi, avec ton bac pro, tu crois quoi ? Tu vas te faire exploiter comme les autres ! Si tu pointes pas au chômage, encore. Alors, « Juste Stagiaire », moi, je vais pas me laisser faire, d’accord ?

Le Stagiaire. C’est là que tu te mets le doigt dans l’œil, mon pote. T’oublies une chose : c’est que Jeanne, elle va monter en grade. Et ce sera pas avec tes magouilles de naze. Ma Grand-Mère m’a appris certaines valeurs, tu vois. Alors, ce sera sans moi. Je vais chercher Socrate.

Il sort.
L’Autre Stagiaire ouvre la machine et dépose son butin dans le tambour.
M. Le Maire revient. L’Autre Stagiaire referme la machine.

M. Le Maire. J’ai parlé avec votre patron. Je ne veux plus de cette machine donc vous pouvez la reprendre. On me fera un avoir pour une autre.

L’Autre Stagiaire. Y a pas de souci.

Il pousse la machine.

M. Le Maire. Elle fait un drôle de bruit, cette machine.

L’Autre Stagiaire. Le tambour s’est détaché. Vous avez raison. Il faut mieux la changer.

Il s’apprête à sortir avec la machine. Mais se retrouve nez à nez avec le Stagiaire et le Philosophe.

Le Philosophe. Pourquoi le client ne veut plus de sa machine ?

M. Le Maire. (Rigide) A qui ai-je l’honneur, monsieur ?…

Le Philosophe. Socrate. On m’appelle Socrate. (Il lui tend la main) De l’entreprise Électro-gen. On aurait pu m’appeler Diogène. Diogène d’électrogène, cela aurait mieux sonné. Mais ça a été Socrate. La rime est pauvre, mais le nom prestigieux…

M. Le Maire. (Refusant de lui serrer la main) Remportez cette machine. J’en ai parlé avec votre patron. Et ne vous attendez pas à recevoir un pourboire

Le Stagiaire. Ça ira comme ça, merci.

L’Autre Stagiaire lui donne un coup de coude.

M. Le Maire. (Interloqué) Comment ça ?

Le Philosophe. Ne faites pas attention à ce qu’il dit, M. Le Maire. Ce n’est qu’un stagiaire. Petit deviendra grand… Mais en attendant…

La Bonne passe en courant.

La Bonne. Excusez-moi, Monsieur ? Je crois qu’on a sonné.

Elle fait entrer le Patron.
L’Épouse, la Fille et le Fils entrent de leur côté.

Le Patron. (A l’Épouse) Madame, (à la Fille) Mademoiselle, (au Fils) Monsieur, (au Maire, en s’inclinant) Monsieur le Maire. Pardonnez-moi, Monsieur. Je suis le chef de l’entreprise Électro-gen. Je tenais personnellement à venir vous présenter les excuses de mon entreprise pour le désagrément qui vous a été causé. (Au Philosophe) Que ce passe-t-il ici ?

Le Philosophe. Rien Monsieur, ne vous occupez plus de rien. Tout est quasiment arrangé.

M. Le Maire. Oui. Vos employés remportent cette machine. Elle fait un bruit épouvantable. Un problème de tambour, paraît-t-il. C’est honteux !

Le Stagiaire. (Sans réfléchir) Elle avait pas de problème de tambour, tout à l’heure…

Le Patron ouvre la machine, regarde dedans et la referme aussitôt. Affolé, il regarde les gens autour de lui.
Noir.

Scène 7
(par Steven, Magomed et Jérémy)
LE VESTIAIRE
Le Syndicaliste, l’Énervé, la Guerrière, le Calme, le Stagiaire, l’Alcoolique, le Philosophe
et le Taiseux.

Le Vestiaire.
Le Syndicaliste attend, assis sur le banc. L’Énervé fait les cent pas. La Guerrière enfile son blouson.
Le Calme entre.
La Guerrière part.

La Guerrière. Salut les gars !

Le Calme. (Enlevant son bleu et enfilant son pantalon) Salut Jeanne.

Le Syndicaliste. A demain, Jeanne D’arc !

L’Énervé. Hum !

La Guerrière sort.
Le Calme range ses affaires et s’en va.

Le Calme. Salut.

Le Syndicaliste. Salut.

L’Énervé. Hum !

Le Calme sort.
Le Stagiaire entre, accablé. Le Syndicaliste l’interpelle.

Le Syndicaliste. Alors ?

Le Stagiaire s’assoit sur le même banc, découragé.

Le Syndicaliste. Alors, Petit ? Raconte !

Le Stagiaire. Ben ! D’abord y a eu Jean-Yves. Et puis après, ça été Gwen et Socrate. Et tout ça, c’est de ma faute…

Le Syndicaliste. De quoi tu parles, gamin ?

L’Alcoolique entre, en jetant son bleu. Suivi du Philosophe.

L’Alcoolique. Tin ! Journée de merde ! Sérieux !

Le Philosophe. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise journée, c’est un jour comme un autre…

Le Philosophe range ses affaires dans un sac. Soigneusement. Calmement.

L’Alcoolique Ferme-la ! Putain ! Avec ta philo à deux balles ! J’prends mes cliques et mes claques et j’vous souhaite à tous un bien long bon week-end !

L’Alcoolique sort.
Le Taiseux entre. Il se déshabille en silence. Personne ne prête attention à lui.

Le Syndicaliste. Il lui prend quoi à Jean-Ivre ? (Au Stagiaire) Tu peux expliquer ça, toi ?

Le Stagiaire. Ben…

L’Énervé. Il a bu plus que de raison c’matin, ça s’est peut-être su…

Le Nouveau entre, son bleu roulé en boule sous le bras. Il sifflote.
Le Syndicaliste tape sur le banc avec son pied.

Le Syndicaliste. C’est qui la balance ? Putain de merde ! (Le Syndicaliste se lève et empoigne le Nouveau) C’est toi ?

Le Nouveau. Qu’est-ce qui te prend ?

L’Énervé. (Retenant le Syndicaliste) Oh ! Calme-toi là…

Le Syndicaliste. (En secouant le Nouveau) C’est toi, espèce de petit fumier !

Le Philosophe. La violence ne résout pas les problèmes, elle les aggrave…

Le Syndicaliste. De quoi tu te mêles, toi ?

Le Philosophe. Alea jacta est, de toute façon…

Le Syndicaliste. De quoi il parle, lui ?

Le Nouveau. Qu’est-ce que j’en sais moi ? Tu peux me lâcher, là ?

L’Énervé. J’ai cru comprendre qu’il y a eu des merdes sur un chantier et que c’est remonté jusqu’au patron. Socrate va peut-être être viré… Mais j’en sais pas plus.

Le Syndicaliste. Socrate ?! Mais c’est quoi ce délire ?!? (Lâchant le Nouveau et empoignant le Stagiaire) Dis donc, toi le Stagiaire, qu’est-ce que tu voulais me dire tout à l’heure ?

Le Nouveau se remet d’aplomb. Récupère son bleu. Et va chercher son blouson, qu’il enfile en bougonnant.

Le Stagiaire. Je…

Le Syndicaliste. (Regardant autour de lui, sans lâcher le Stagiaire) Et il est où, l’autre stagiaire ? Il doit être au courant de quelque chose, celui-là…

Le Stagiaire. (L’air craintif) Il s’est fait virer.

Le Taiseux se rhabille en silence, dans l’indifférence générale.

Le Syndicaliste. Quoi ?!!! Alors toi ! Tu débarques dans l’entreprise et tu fous la merde ! Direct à lécher les bottes du patron, hein !!! Tu veux quoi ? Prendre une place ? Tu t’es dit que tu pouvais nous baiser facilement, c’est ça ?

Le Stagiaire perdu, hésite à parler face à l’énervement du Syndicaliste.

L’Énervé. Calme-toi, tu vois pas que tu lui fais peur ? Pourquoi il irait prendre une place ? Il est encore au lycée !

Le Syndicaliste lâche le Stagiaire, frappe encore le banc et part se calmer au fond du vestiaire.
Le Taiseux contemple calmement la scène.

Le Nouveau. Bon, c’est pas pour casser l’ambiance… Mais, je dois y aller. A plus, les mecs.

Il sort.

L’Énervé. (Se retournant vers le stagiaire) Dis-moi, qui a balancé Jean-Ivre !!!

Le Stagiaire. J… je… je voulais pas ! C’est le Chef qui…

L’Énervé. Et pour Socrate.

Le Taiseux observe toujours en silence et capte chaque mouvement, mais n’intervient pas.

Le Stagiaire. J… j’ai… j’ai pas voulu… Gwen avec le Maire… Socrate avec son bouquin… Et le Patron…Je croyais que Gwen avait renoncé. J’ai pas pensé au tambour…

Le Syndicaliste se rue sur le Stagiaire pour l’aplatir. L’Énervé s’interpose. Le Syndicaliste heurte le banc et trébuche. Il s’arrête et reprend une grosse bouffée d’air.

Le Syndicaliste. (Calmé) Désolé Sam. Je perds mon contrôle, des fois.

L’Énervé. (Souriant) Ça peut arriver à tout le monde ?

Le Philosophe. (En partant) On est tous égaux sous le ciel nuageux et le cycle des pluies fait qu’après l’orage, vient toujours le soleil…

Le Stagiaire. J’ai jamais voulu ça ! J’étais motivé. J’étais content. J’avais trouvé un stage pour mon Bac. J’y croyais. C’était le métier que je voulais faire. Qu’est-ce que vais devenir ? Mamie !

Le Philosophe. (Juste avant de sortir, il se retourne) Sur mon casier refermé, sur mon bleu replié, sur mon préavis placardé, j’écris ton Nom.

Il sort.

Le Syndicaliste. De quoi il parlait là ?

Le Stagiaire. De la Liberté.

Le Syndicaliste. C’est… ?

Le Stagiaire. De la poésie.

Long silence.

L’Énervé. (Prenant le Syndicaliste par l’épaule) Allez, viens Marco. C’est l’heure de rentrer. Mes gosses vont bientôt crier famine et ta femme va s’inquiéter.

Le Syndicaliste et l’Énervé se dirigent vers la sortie Au dernier moment, le Syndicaliste se retourne.

Le Syndicaliste. (Au Stagiaire, menaçant) Hé ! P’tit ! Tu perds rien pour attendre, tu sais !

L’Énervé explose de rire. Ils sortent en riant.

A son tour, le Taiseux s’approche du Stagiaire et lui tapote l’épaule.

Le Taiseux. A demain !

Le Stagiaire ouvre des yeux exorbités.
Le Taiseux sort.
Le Stagiaire reste seul. Désespéré.
Noir.

Scène 8
(par les comédiens de la Compagnie des Compères)
L’EMBAUCHE
La Guerrière, le Stagiaire

Le Bureau du Chef de Service.
La Guerrière entre, avec un dossier. Elle s’assoit derrière le bureau, ouvre le dossier et le compulse.
On frappe.

La Guerrière. Entrez !

Le Stagiaire entre.

Le Stagiaire. Bonjour.

La Guerrière. Maurice ?

Le Stagiaire. Bonjour Jeanne. Vous êtes… ?

La Guerrière. Chef de Service. Oui.

Le Stagiaire. Mais c’est super !

La Guerrière sourit.

Le Stagiaire. Et l’autre… il est… ?

La Guerrière. Parti.

Le Stagiaire. Et… ?

La Guerrière. Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens. Ça fait huit mois qu’on t’a pas vu.

Le Stagiaire. Ben j’ai eu mon bac.

La Guerrière. Félicitations ! Et qu’est-ce qui t’amène ici ?

Le Stagiaire. En fait, je cherche du boulot, maintenant.

La Guerrière. Et c’est ici que tu cherches ? Après tout ce qu’on t’a fait subir ici. Ben t’es pas rancunier toi.

Le Stagiaire. En fait, c’est l’entreprise la plus proche de l’EPHAD où est ma grand-mère. Comme je dois venir la voir souvent, faut mieux que…

La Guerrière. Et bien, figure-toi que le patron cherche à embaucher. J’ai laissé un poste vacant. Et je crois me souvenir que malgré toutes tes mésaventures, tu avais fait très bonne impression. On pourrait, peut-être te proposer un CDD pour commencer.

Le Stagiaire. Ça serait génial.

La Guerrière. J’en parle au patron tout à l’heure. On te rappelle. Mais je suis sûre que tu commences demain.

Le Stagiaire. Merci Jeanne d’A… Heu ! Madame.

La Guerrière. Pas de souci Maurice. Au fait, c’est quoi ton vrai nom ?

Le Stagiaire. Hendricksaken Toumbesosky.

La Guerrière. Et bien, à très vite Hendrisaken.

Le Stagiaire. Oui. Merci. Au revoir.

Il sort.
Noir

Scène 9
(par les comédiens de la Compagnie des Compères)
LES RETROUVAILLES
Le Syndicaliste, l’Énervé, le Calme, l’Alcoolique, le Philosophe, le Taiseux,
le Nouveau et le Stagiaire,

La Cafétéria.
Le Syndicaliste, l’Énervé, le Calme, l’Alcoolique, le Philosophe et le Taiseux sont tous là.
L’Alcoolique boit un soda.
Le Patron et le Stagiaire entrent.

Le Patron. Messieurs, veuillez accueillir votre nouveau collègue. Je crois que vous le connaissez déjà. (Au Stagiaire) Bienvenu dans notre entreprise, mon garçon. Je suis très content de vous avoir parmi nous. Allez, je vous laisse. Bonne journée ! Et surtout, n’hésitez pas à venir me voir. A bientôt.

Le Stagiaire. A bientôt Monsieur. Merci. Merci beaucoup.

Le Patron sort. Les autres l’accueillent en levant les bras et en l’acclamant.

Tous. Maurice !

Le Calme. En fait, il s’appelle Hendrisaken.

Ils le congratulent, lui tapent dans le dos, lui serrent la main.

Le Nouveau. Alors ça y est. C’est toi le nouveau maintenant.

Le Philosophe. Le retour de l’enfant prodigue.

Le Stagiaire. Ils t’ont gardé en fait.

Le Philosophe. Sans poésie le monde est mort.

L’Alcoolique. Allez ! Bois un coup, Hendrisaken.

Il lui tend un soda.

Le Stagiaire. C’est pas… ?

L’Alcoolique. Non. J’ai arrêté. Désolé.

Le Stagiaire. Non c’est mieux. Je préfère.

Le Syndicaliste. Avec Jeanne d’Arc aux commandes, il se tient à carreau le Jean-Yves.

L’Alcoolique. C’est que je voudrais pas décevoir.

L’Énervé. Personne ici, n’a envie de la décevoir. C’est un super chef, notre Jeanne d’Arc.

Le Stagiaire. Et Bé ! Il s’en est passé des choses depuis huit mois, ici.

Le Philosophe. Celui qui ne change pas, n’advient pas.

Le Nouveau. Y a des choses, quand même, qui n’ont pas changé.

Le Stagiaire. Du genre ?

Noir.

Scène 10.
(par les comédiens de la Compagnie des Compères)
EPILOGUE
La Guerrière, la Secrétaire

Le Bureau du Chef de Service.
La Guerrière est à son bureau.

La Guerrière. Martine !

Le Secrétaire entre.

La Secrétaire. Oui, Jeannounette ?

La Guerrière. (Elle désigne le bureau) Bureau !

Noir.

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Une réponse à Le Stagiaire : création lycéens 2011.

  1. Valiente Sullivan dit :

    J’avais complètement oublié ce spectacle donc non « Zade » n’étais pas notre dernière collaboration. Effectivement c’était dans le cadre du printemps de l’entreprise.
    Particularité technique nous profitions de cette prestation pour tester des découpes Led du fabricant Robert Juliat équivalente au 1Kw 614 de la même marque.
    Amicalement Sullivan

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