ÉCRITURE Et ÉDITION : Paru chez Les oiseaux de papier, en juin 2010.
Les vingt et une Nouvelles Légendes de Josselin et de Brocéliande (inédites) ont été écrites par les trente élèves de Seconde Carrières Sanitaires et Sociales du lycée Ampère de Josselin, sous la direction de Sandrine Le Mével Hussenet.
Le lycée Ampère est à Josselin. Josselin près de Brocéliande. Brocéliande en Bretagne.
La Bretagne est une terre de légendes. Elle a l’âme celte.
Terre des croyances païennes et chrétiennes. Terre de l’oralité et des contes. Terre des cycles et des séries. Patrie de l’Ankou et des Korrigans, des printemps précoces, des genêts, des bruyères et des ajoncs, des chênes et des châtaigniers, du granit, de la lande et des étangs sombres où veillent encore fées, magiciens et chevaliers, où se disputent druides et prêtres, fontaines et chapelles.
Josselin bruisse de mémoire et, plus loin, la forêt de Brocéliande lui répond en échos plus profonds.
Alors, je conduis les vingt-sept filles et les trois garçons entre les arbres de la légendaire Brocéliande et dans les vieilles rues de la petite cité médiévale de Josselin.
Et je raconte.
Je n’en finis pas de raconter : les contes et les légendes, les vieilles histoires et un peu d’histoire, les symboles, les vieilles croyances et l’inconscient collectif… Je nourris, j’abreuve. Je cultive la terre où s’épanouiront mes futurs écrivants.
Nous visitons le château de Comper et la forêt de Brocéliande, sous la conduite d’une belle conteuse du Centre de l’Imaginaire Arthurien. Nous y croisons Merlin, l’enfant, le superbe damoiseau ou le sage vieillard ; Morgane nous toise, hautaine et farouche, jetant sa malédiction sur le Val sans Retour d’où les chevaliers infidèles ne sortiront pas ; le Chevalier Vert lance son défi à Arthur et le bruit de leur combat résonne au loin sous la frondaison ; le Dragon pétrifié offre son trône de pierre à qui veut connaître l’avenir ; les amants du Cœur Brisé veillent, statufiés et inconsolables ; le vent rapporte encore comment Gauvain épousa la Femme Libre ; Viviane sourit en son Miroir ; les fées chuchotent à l’oreille des garçons ; et les korrigans font des crocs-en-jambe à mes demoiselles…
Nous visitons Josselin, guidés par la douce voix de la jeune dame de l’Office de Tourisme. Nous découvrons la cité vivante et millénaire. Le Moyen-Âge frappe à notre imaginaire. Les remparts surgissent ; les portes s’ouvrent, la porte du Lion à l’ouest, la porte Saint-Martin au Nord, la porte Saint-Nicolas à l’est, et au sud, la poterne du Trou aux Chats, et le Chemin du Feu d’où l’on remontait l’eau de l’Oust pour éteindre les incendies pris dans la ville ; le château sort de terre et élève ses tours ; la Basilique accueille enfin la Dame du Roncier qui grelottait dans sa petite chapelle de bois ; les tailleurs de pierres tendent leurs gargouilles entre ciel et terre, elles hurlent leur silence au-dessus de nos têtes ; l’Auberge de la Porte du Lion accueille ses visiteurs, à l’arrière, on rentre les chevaux ; en haut de la ville, l’architecte de Venise fait bâtir la maison aux sculptures de bois… Et après le maître, la maîtresse, leur chat, le soleil joufflu, les deux faunes, les chiens courants de la chasse à courre et les dragons rouges, il fait graver dans la poutre, la date de 1538 ; au bas des remparts la fontaine au mufle de lion chante sa plainte ; et quand on passe le tunnel sombre entre deux maisons du quartier Saint-Martin on peut apercevoir les toits en chapeau de sorcière de la conteuse Lili.
Lili habite Josselin. Quand elle raconte ses histoires, elle se fait appeler Lili la Sorcière. Nous passons sous le mur de son jardin et je dis à mes élèves : c’est le jardin de Lili. Ils ne la connaissent pas, ne l’ont jamais vue. Moi, je la connais et je leur dis seulement son surnom et la couleur de ses yeux.
Et nous rentrons.
C’est l’automne. Il pleut.
Dans la classe, il fait chaud. Ça sent l’orange douce.
A leur table, les élèves sont seuls ou à deux.
Maintenant écrivez une légende. La seule contrainte est de choisir au moins un fait historique ou un lieu réel de Josselin ou de Brocéliande.
De tout ce calme et de cette tempête, vont naître vingt et une légendes.
Morgane l’enchanteresse, pétrifiant ses victimes, hante beaucoup de têtes. Les korrigans s’invitent à la fête. Merlin n’est pas loin, les fées et les chevaliers non plus… Lili la Sorcière fait son apparition ! Elle fera partie de la ronde légendaire. Lions et Dragons se réveillent. Pirates et Phéniciens abordent les berges de l’Oust. Des ânes se mettent à parler.
Des chemins se dessinent. Ils seront initiatiques, traceront la ligne qui sépare le Bien du Mal.
Les chevaliers libèrent les femmes. Les femmes se libèrent et libèrent les hommes. Les enfants grandissent. L’amour triomphe. La Bretagne frissonne de se sentir si vivante.
Merci à vous, mes élèves.
Filles et garçons de BEP CSS.
Filles et fils de Petite Bretagne et du Vaste Monde.
Citoyennes et citoyens des deux univers, celui de la réalité et celui de l’imaginaire.
Merci et longue vie à vos légendes.
Sandrine LMH.
Extraits :
La Légende de la Relique
Un soir de l’an 807, une relique de la Sainte Vierge fut découverte par un paysan dans un buisson proche de la petite bourgade de Sainte-Croix, près de la future cité de Josselin.
Cette relique était faite de bois d’une couleur très foncée et on lui attribua très vite des miracles. Sa valeur, dans le cœur des gens, lui valut plusieurs péripéties.
Je vais vous raconter la plus spectaculaire mais néanmoins la plus vraie de ces aventures.
Cette histoire commença un jour de tempête, quand un bateau apparut sur la rivière de l’Oust au yeux des pêcheurs, lavandières et meuniers du coin. Cet esquif était rempli de marchands phéniciens venus vendre des étoffes pourpre et des parfums. Ces hommes venus des lointains rivages d’Orient avaient le visage couleur d’écorce. Ces personnes qui étaient apparues aux villageois provoquaient la peur. Jamais de mémoire d’homme on n’avait vu dans le coin de pareilles personnes.
Dans la journée, les habitants s’étaient approchés des marchandises déchargées sur le petit port. Certains firent affaire, ravis de pouvoir rapporter à leurs épouses de magnifiques étoffes et des parfums précieux. Mais quand le soir arriva, chacun rentra chez soi, regardant les étrangers avec méfiance et crainte.
Le vent se leva, apportant de lourds nuages de pluie noirs.
A la nuit tombée, la tempête faisait rage. Le vent secouait l’embarcation battue par la pluie. L’eau enflée de la rivière charriait d’énormes morceaux d’arbres. Les marins ne pouvaient pas rester à bord sans risquer leur vie.
Ils cherchèrent un abri à terre. On leur ferma la porte de l’auberge. Après avoir demandé plusieurs fois refuge auprès des villageois pour la nuit, le petit groupe dut se rentre à l’évidence : Ils n’étaient pas les bienvenus… […]
Auteur : Joy
La Légende d’Adèlisia
Il y a très longtemps, aux alentours du XVème siècle, à Josselin, petite ville perdue au milieu de la campagne, vivait une certaine Lili la Sorcière. Elle habitait dans une maison en haut de la ville fortifiée, juste à côté de la porte St martin et du Tunnel de la Mort.
De l’autre côté du pont, hors les murs, dans le faubourg Sainte-Croix, s’était établi un couple de jeunes mariés.
Mais peu de temps après leur mariage, l’époux, qui se prénommait Pierre, trompa sa femme Azilia avec Lili la Sorcière. Lili ignorait que Pierre était marié. Charmée par le jeune homme, elle s’était laissée séduire par des promesses d’amour éternel.
Mais un dimanche, Lili croisa le jeune couple, au milieu de la foule des fidèles qui se rendaient à la messe.
Une colère énorme la submergea, ses yeux devinrent d’un noir troublant. Quand tous les villageois furent réunis dans l’église, Lili la Sorcière prit sa baguette et fit appel à toutes les forces du mal. Le ciel devint noir, des corbeaux par milliers se posèrent sur les toits des maisons aux alentours. Elle lança alors un sort suprême qui s’abattit sur tous les hommes infidèles du village.
Ces hommes-là furent maudits. Ils perdirent la vie et leurs âmes prisonnières durent errer à jamais dans la tour de l’église, sans espoir d’en sortir… … […]
Auteur : Gwendoline
La Légende de Zade
Chapitre 1. Le Chevalier Zade
A l’époque médiévale, un chevalier nommé Zade partit en quête de lui-même et de son destin.
Chevauchant son destrier Achérus, il galopa à travers la Bretagne, du nord au sud.
Lors de son périple, il pénétra dans un village et découvrit tous les villageois attroupés devant vit une maison en feu. Une dame et ces deux filles étaient prises au piége de l’incendie. Le chevalier prenant son courage à deux mains brava les flammes et sauva la dame et ces deux filles de l’incendie, sous les applaudissements de la foule. La dame très heureuse et reconnaissante demanda à ce chevalier quel service elle pourrait lui rendre. Zade lui expliqua qu’il cherchait un endroit où passer la nuit. La femme lui montra l’auberge que tenait son frère qui lui donna la meilleure chambre. Après le dîner le chevalier fatigué alla se coucher.
Pendant la nuit, le chevalier fit un affreux cauchemar. Il était pris d’une folie hystérique, tuant toutes les personnes qu’il croisait et brûlant toutes les maisons et les fermes du village qui l’avait accueilli. Durant tout ce rêve, il entendit une voix qui lui chuchotait : « Vas-y, tu as raison, mon fils !»
A son réveil, il vit que l’auberge était en feu et qu’il allait être brûlé s’il restait là. Une fois sorti de l’auberge, il vit des dizaines de cadavres joncher le sol et le village envahis par les flammes. Soudain, il entendit les hennissements désespérés de son cheval encore attaché à l’écurie, l’animal se débattait dans les flammes tant qu’il pouvait. Zade se pressa de libérer le cheval, l’enfourcha et s’enfuit du village dans un état de confusion totale.
Il galopa, galopa jusqu’à épuisement. Finalement, il parvint à l’orée de la forêt de Brocéliande. Il mit son cheval au pas et entra dans l’ombre des arbres.
Après plusieurs heures passées dans la forêt dont il ne trouvait pas la sortie, une ombre fit peur au cheval. Dans sa frayeur la bête désarçonna son cavalier qui se cogna brutalement contre un gros arbre. Dans un état de demie conscience le chevalier aperçut une lueur blanche aveuglante qui progressait vers lui. Plus la lueur avançait, plus elle prenait forme humaine, mais la silhouette brillait d’une telle intensité que le chevalier ne pouvait reconnaître la personne. Puis une voix s’échappa de la lueur lui disant : « Toi qui cherche à te connaître, toi qui cherche le rôle que t’a donné la vie, je vois en toi, un cœur coupé en deux, d’un côté de la haine et de la tristesse, de l’autre un grand courage, de la sagesse et de la loyauté. Mais pour l’instant, tu doutes encore de toi, alors je vais t’aider. Dirige-toi vers le mont qui domine la Val sans Retour. Là, tu trouveras un trône sculpté dans la pierre. Assied-toi dessus. Alors, tu sauras… ».
A ce moment, le chevalier retrouva ses esprits et la lueur disparut. Il vit Achérus couché devant lui. Lui aussi avait retrouvé son calme. Mais il se faisait tard pour continuer, alors Zade décida de camper ici. Avant de se coucher contre son cheval, il repensa à la vision qu’il avait eue. Il se demanda si c’était une véritable prédiction ou un rêve ordinaire. Mais curieux et en soif de savoir, il décida de faire route vers le Val sans Retour dès le lever du jour.
Au premier rayon de soleil, le chevalier se leva, enfourcha son destrier et prit le chemin du Val. Arrivé près du Miroir aux Fées, il descendit de cheval et gravit la haute falaise qui dominait la vallée escarpée. Parvenu au sommet, il chercha le trône. Il découvrit un dragon de pierre et le trône sculpté au centre du dragon.
Le chevalier s’y assit.
A cet instant, des milliers d’images par seconde défilèrent dans sa tête. Il vit deux dragons qui s’affrontaient dans un combat permanent, il vit un bébé qui pleurait, il vit un mage noir faisant une sorte de rituel… Mais à peine avait-il entraperçu ces images qu’il fut éjecté du trône, par une force violente.
Il n’était pas encore remis de sa chute qu’il vit la lueur blanche revenir vers lui. Mais cette fois, la silhouette lumineuse prit forme humaine et cessa d’émettre cet éclat aveuglant. Zade distingua alors un mage vêtu de blanc qui avançait calmement. Le mage n’attendit pas que le chevalier reprenne le contrôle de ses émotions, il lui parla aussitôt :
– Je me nomme Merlin, je suis un puissant sorcier enfermé dans cette forêt, il y a bien longtemps… Le trône dans lequel tu t’es assis était le mien. Je lui ai confié une partie de mes pouvoirs : dont celui de voir dans le passé. Mais seule une personne suffisamment courageuse, loyale et puissante peut y avoir accès. Le commun des mortels risque d’y laisser la vie. Tu es parvenu à entrevoir certaines choses de ton passé, sans en payer le prix. Cela prouve ta puissance, jeune Zade.
– Je n’ai rien compris. Toutes ces images n’avaient aucun sens. C’est allé trop vite.
– Oui, ta connaissance reste partielle. Ta puissance et ton engagement dans ta quête sont encore à éprouver. Es-tu bien certain de vouloir continuer ?
– J’en suis certain.
– Es-tu prêt à t’affronter toi-même ?
– Dites-moi ce que je dois faire.
– Connais-tu le Graal ?
– C’est la quête d’Arthur et de ses chevaliers. Je n’appartiens pas à la Table Ronde. Je ne sais même pas qui je suis.
– Cette quête est la quête de chacun. La tienne est plus solitaire et bien plus ardue que celle des hommes de Camelot. Pourtant Arthur a échoué et tous ses chevaliers. Seul Galaad, le fils de Perceval, est parvenu au bout de sa quête. Toi, Zade, tu dois désormais mener la tienne.
– Mais vous venez de dire que Galaad avait déjà trouvé le Graal.
– Il a trouvé le sien ! Tu dois trouver le tien.
– Je ne comprends pas.
– Qui te demande de comprendre ? Prouve-moi ta valeur, chevalier. Trouve le Graal. Cette coupe est assez puissante pour t’aider à voir ton passé en entier… Va ! Et ne reviens ici que lorsque tu l’auras trouvée. […]
Auteur : Adrien Échelard
La Légende de Zade comporte cinq chapitres. Ils ont tous été adaptés au théâtre par la Compagnie des Compères (atelier théâtre du lycée Ampère), sous la direction de Sandrine LMH. Création en mai 2010. [Voir article Zade, dans Ateliers écriture/théâtre/slam]