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Comment l’esprit vient aux hommes
Journal de Sofia et Sanah.
Le nouveau roman initiatique, érotique et féministe de Sandrine H.
Chez Christophe Chomant Éditeur, déc. 2021
Dans l’Arménie ottomane de la fin du XIXe siècle, une princesse et ses dames initient un jeune homme amoureux…
Sous forme d’un journal, ce roman relate les destins croisés et imbriqués de deux jeunes femmes, à l’esprit libre et moderne : Sanah, contemporaine, bretonne, étudiante métisse, qui découvre le journal de Sofia, princesse arménienne grandie entre l’éducation libérale de sa mère et la société traditionnelle du Moyen-Orient chrétien des années 1890. Leur journal entremêlé dit la sexualité féminine, le respect de l’intime, le désir au delà du consentement et l’exploration des sens.
Note de l’auteure : J’ai voulu retrouver mes personnages du roman « Henriette » et ceux, plus récents, de « Mamie Pauline », pour le plaisir de les mieux connaître. J’ai voulu, toujours attachée à l’ouverture culturelle et à l’approche historique, parler d’humanité et de devenirs. Et parce que j’ai évolué en tant que femme et autrice, j’ai résolument voulu écrire un récit féministe. Je me suis inspirée de mes rencontres, de mes découvertes et de textes d’autrices et d’auteurs qui ont ouvert une voie nouvelles pour de nouvelles voix, comme, par exemple, Maïa Mazaurette ou Martin Page.
Exergue :
« Vous voyez donc que je disois fort bien
Quand je disois que ce jeu-là rend sage »
Jean de La Fontaine
Comment l’esprit vient aux filles, conte érotique et libertin, 1675
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Extraits :
Rennes, dimanche 23 mai 2021, journal de Sanah
Je m’appelle Sanah Kervarrec-Kouadio. […]
Je suis célibataire. J’ai trente ans. J’habite à Rennes, un petit appartement au troisième étage d’un immeuble de 1900, près du canal de la Vilaine. J’ai un amant et un ami avec lesquels je partage l’essentiel de ma vie et qui sont très liés. J’ai un chat. Des plantes. Et beaucoup de sculptures. Elles me viennent de ma grand-mère Pauline qui a beaucoup voyagé en Afrique. Ce sont surtout des statues baoulés en bois, mais j’ai aussi des œuvres de ma grand-mère. Celles-ci sont en terre cuite. Ma préférée est la représentation d’un couple en train de faire l’amour sur un lit comme un esquif, de vingt centimètres de long. L’homme est en terre rouge, la femme en terre blanche. La femme est lovée au creux du corps de l’homme. Le sexe de l’homme pénètre celui de la femme et la femme semble guider la main de l’homme contre son sexe à elle. Peut-être sur son clitoris. De son autre main, l’homme écarte les cheveux qui cachent le visage de la femme. Légèrement soulevé sur son coude, il la regarde jouir.
[…]
Nous sommes en mai 2021. Pendant mon troisième confinement, j’ai lu le journal d’une femme libre, amoureuse de la vie, de ses plaisirs et d’un homme qui a su se montrer digne d’elle. Il y a cent-vingt-neuf ans, une jeune femme plus moderne que nous autres, les filles de MeeToo et des clitoris en 3D, a tracé un chemin de liberté et d’érotisme qu’il est fondamental de présenter au monde.
En ce 23 mai 2021, je commence la relation de ce témoignage qui débute justement un 23 mai, en 1892.
Sivas, lundi 23 mai 1892, journal de Sofia Melikian
Sans m’avoir prévenue de sa présence au repas du soir, mon père me l’a présenté au moment où j’entrais. Quand je me suis assise, il s’est levé pour me saluer. J’ai baissé les yeux.
Durant tout le repas, j’ai feint de ne pas le regarder. Paupières mi-closes, je sais voir entre mes cils. Il me regardait. Je l’ai vu me regarder. Il le faisait à son aise, pensant que je ne le remarquais pas. C’est amusant, ce jeu du chat et de la souris. Mais la proie n’est pas celle qu’on croit.
Les musiciens sont venus avec le thé et les plateaux de pâtisseries. Le doudouk et le oud. La chanteuse était jolie et sa voix était belle. Mais il ne l’a pas regardée. Il a gardé ses yeux sur moi tout au long de la plainte et de la caresse musicale.
Je me suis levée au milieu du chant. Avec moi, toutes mes suivantes, dans un bruit d’étoffe froissée et de bijoux entrechoqués. Avec nous, l’air parfumé à la rose a passé comme le vent. Il portait un nazook à sa bouche. Je sais qu’il a suspendu son geste. Je ne me suis pas retournée, mais j’ai bien senti la brûlure de son regard dans mon dos. […]